Une Hydro à Paris (1942 - 1960)
Les informations et documents présentés sur cette page sont tirés d'archives personnelles et de recherches de monsieur Jacques HERVE, élève en première et seconde année de cours à l'Ecole Nationale de la Marine Marchande à Paris entre 1958 et 1960. Nous le remercions chaleureusement pour nous avoir communiqué ces documents. La source de chaque document est indiquée lorsqu'elle est connue. Leur réutilisation est libre et gratuite sous réserve de la mention de l'origine. Leur utilisation commerciale est interdite sans autorisation écrite du service producteur (IGN et Médiathèque Nationale de Charenton le Pont).
Pourquoi une Hydro à Paris ?
Avant la Seconde guerre mondiale, Les Ecoles Nationales de la Marine Marchande sont présentes dans les villes portuaires : Boulogne, Le Havre, Saint-Malo, Paimpol, Nantes, Bordeaux, Marseille et Alger. L'installation d'une école à Paris date de la guerre : c'est l'ENMM de Paimpol qui, en 1942, dût être repliée sur Paris, les autorités allemandes refusant d'admettre son maintien dans une zone côtière interdite. Une Ecole Nationale de la Navigation Maritime s'ouvre donc en 1942 à Paris, au 56 avenue de Ségur, dans des locaux qui seront par la suite occupés par l'Inspection Générale de l'Enseignement Maritime. Elle déménage en 1947 au 15, avenue Foch (également appelée avenue de l'Impératrice Eugénie ou encore avenue du Bois) dans l'ancien hôtel LEBAUDY. Après la guerre, l'école de Paris est maintenue en raison de la destruction de plusieurs écoles du littoral (Boulogne, Le Havre, Saint Malo). Elle y restera jusqu'en 1960, année à partir de laquelle il sera possible de transférer tous ses élèves dans les écoles reconstruites du Havre et de Saint-Malo. |
L'école au 15 avenue Foch
Situé à proximité de la Place de l'Etoile, l'immeuble, de type "hôtel particulier", a été construit en 1881 par l'architecte Jules REBOUL pour la famille Salomon David DE GRINZBURG qui l'a cédé ensuite à la famille LEBAUDY (information du Service historique de la Mairie du 16ème à Paris). Le transfert de l'Hydro depuis l'avenue de Ségur était justifié par le développement de la Marine marchande et le nombre plus important d'officiers à former. Monsieur LEBAUDY, Ministre des Travaux Publics et des Transports, n'y a certainement pas perdu au change... "Au sous-sol de l'école se trouvaient "les machines" : il y avait un petit groupe électrogène, tout petit, et on disait que lorsqu'il démarrait, il faisait vibrer les verres en cristal de monsieur VIOLET ou monsieur DE ROTHSCHILD, nos voisins, ce qui aurait expliqué la nécessité du déménagement de l'Ecole... ! Il faut reconnaître que l'on rencontrait peu de bateaux à quai dans ce site exceptionnel, original et magnifique pour une école maritime... !" (témoignage de monsieur Jacques HERVE). |
"Le jour du passage de l'examen d'entrée à l'E.N.M.M. de Paris, chaque élève avait à sa place au moins trois lettres de Compagnies de Navigation Principales : "La Cie Générale Transatlantique, Les Messageries Maritimes et les Chargeurs Réunis.
Chacune de ces lettres proposait une bourse mensuelle de 20 000 Frs (35 000 Frs la seconde année) de l'époque en échange de l'engagement de naviguer pour la Cie choisie pendant une période donnée. Elle était de 36 mois pour la Cie Générale Transatlantique pour cette 1ère année de cours" (témoignage de monsieur Jacques HERVE). Un tel environnement n'était certainement pas adapté à la formation de ces va-nu-pieds de marins. Car si l'on en croit un rapport adressé en 1959 au Ministère de la Marine marchande "on y verrait bien une ambassade, mais il répond très mal à son utilisation actuelle pour laquelle il n'a pas été conçu." Le site formera une dernière promotion d'élèves au cours de l'année scolaire 1959-1960, puis il sera vendu et démoli pour être remplacé en 1968 par un immeuble d'habitation. |
Témoignage de Jacques DUPUET
Ce témoignage est extrait du livre "Marin" publié par Jacques DUPUET en 1999. Nous remercions les éditions l'Ancre de Marine pour nous avoir autorisés à reproduire cet extrait. Ce livre est toujours disponible à la vente : cliquez sur la couverture ci-dessous.
Ce témoignage est extrait du livre "Marin" publié par Jacques DUPUET en 1999. Nous remercions les éditions l'Ancre de Marine pour nous avoir autorisés à reproduire cet extrait. Ce livre est toujours disponible à la vente : cliquez sur la couverture ci-dessous.
"NOSTALGIE
15, Avenue FOCH C'était un bel immeuble, un très bel immeuble. Un hôtel particulier dont la taille des pièces, de la plus petite salle à manger au moindre salon permettait, sans travaux, leur transformation en salle de classe, sans avoir à serrer les tables les unes contre les autres, avec une hauteur de plafond qui laissait à chacun un volume d'air très au-delà des normes "Pailleron". A l'intérieur, plafonds à caissons, boiseries sur les murs, escalier d'honneur monumental, rampe en fer forgé. Au-dehors le style Haussmann avec ses pierres de taille, ses balcons et corniches, ses hautes fenêtres, son porche en plein cintre, son petit jardinet fermé par une grille. Sur le devant, les pelouses toujours vertes et les platanes centenaires de l'une des plus prestigieuses avenues du monde... Quel luxe pour une modeste école ! (...) Ce n'est certes pas facile d'avouer que c'est pour mesurer l'angle entre l'antenne de télévision située sur l'immeuble du 4 avenue Foch et celle du 18 que vous avez tenu pour la première fois un sextant entre vos mains. Certes. Mais une bonne quinzaine de promotions d'élèves, lieutenants et capitaines ont été formées là. Et à ma connaissance les chefs d'armement n'ont pas eu particulièrement à se plaindre du crû parisien. (...) |
Une fois par an, en mai, l'école prenait un air de fête : le bal de l'école. D'habiles négociations, menées par les anciens, avaient abouti à ce que la Direction des Phares et Balises nous prêtât deux bouées. A la nuit tombée, robes longues, uniformes et tenues de soirée remontaient le chenal de la contre allée, balisée d'éclats verts et rouges. Très mauvais genre dirent, paraît-il, nos puissants voisins.
En juillet et septembre, l'immeuble devenait lieu de torture : de nombreux candidats, et pas seulement ceux de Paris, venaient y passer écrits et oraux d'examens et de concours. Les coursives, les couloirs bruissaient de "Qu'est ce qui t'a demandé ?", "il est de bon poil au moins ? Non, humeur massacrante ! Il m'a viré ! ... au suivant ! il m'a dit !" ce qui n'était pas bon signe, mais pas nécessairement désespéré. L'avenue Foch, c'est elle que je prends généralement quand je vais à Paris en voiture. Je n'y vais pas en pèlerinage, je n'emprunte pas la contre allée, je ne passe pas exprès devant le 15. Mais parfois une pointe de nostalgie, une soudaine remontée de bons souvenirs ! On devrait faire mettre une plaque ! Mais quand je pense à l'école, c'est avant tout pour évoquer les hommes, professeurs, élèves, des amis. Certains professeurs marquent plus que d'autres. Peut-être parce qu'ils ont été les premiers à vous faire découvrir une matière, un métier, parce qu'ils étaient originaux ou parce qu'ils étaient bons. Je n'ai pas envie de juger. Alors quelques anecdotes ou quelques traits. Celui de ce professeur d'hydrographie qui nous enseignait à la fois la navigation et l'astronomie nautique. Il terminait chacun de ses cours en annonçant ce qu'il enseignerait le cours suivant. Mais à ce cours suivant, il commençait invariablement par "alors, la dernière fois, je vous avis dit qu'aujourd'hui je vous aurais fait navigation, c'est la raison pour laquelle vous allez prendre votre livre de cosmographie..." Celui de ce professeur d'anglais et de technique dont les cours n'étaient pas émaillés d'anecdotes. C'étaient les anecdotes qui étaient parfois parsemées de mots d'anglais ou de termes techniques. A la fin de l'année, nous connaissions tellement ses histoires que c'est nous qui les finissions, à sa grande fureur ; nous le privions de sa chute !" |
Les documents ci-contre sont une compilation réalisée par Jacques HERVE de quinze années de recherches sur l'ENMM de Paris. Ce sont une mine d'informations et de souvenirs que nous vous proposons de découvrir.
En cas de réutilisation de ces informations, merci d'en préciser l'auteur ! |
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